CRITIQUES
L'ennemi des fourmis
Jonas a dix ans et une vie de chien
»Stephan Valentin réussit son entrée en littérature avec ce court roman maîtrisé qui révèle un certain art de la tension et de la densité. Jeune Allemand, psychologue de formation, il n'en est pas à son premier essai, loin de là, puisqu'il est déjà l'auteur de nouvelles, toutes publiées outre-Rhin, dont une récompensée par le prix Bettina von Arnim, et d'un premier roman non publié à ce jour.
Choisi par l'Unicef allemande pour montrer le processus de la violence chez l'enfant, également porté à l'écran (le tournage étant prévu cet été), ce «premier» roman a fait grande impression dans sa langue originale. Car la force de L'ennemi des fourmis est de témoigner directement de ce que voit et ressent le personnage principal, Jonas, petit garçon d'une dizaine d'années qui souffre de ne pas avoir de père, d'être haï par sa grand-mère et maladroitement aimé par une mère fragile, ballottée d'homme en homme, et enceinte, petit garçon trop lucide, horrifié par les mensonges des adultes, les abus des adultes comme les tentatives du directeur d'école, petit garçon qui voit monter en lui une violence dont il ne sait que faire et qu'il retourne parfois contre les animaux.
Le décor contribue à ce sentiment d'effroi, d'abandon qui atteint un paroxysme à la fin du livre. «Ah quel métier!» pourrait s'exclamer l'auteur à la manière de Michaux, mais il n'en est pas loin quand il avoue: «Ce fut très éprouvant.» Il précise aussi que «les cent premières pages ont été écrites en quelques mois et les quarante dernières en une seule nuit, dans l'urgence, sous la dictée de Jonas». Jonas qui d'ailleurs n'existe pas: «Je ne l'ai jamais rencontré et il n'a rien à voir avec moi non plus. J'ai simplement entendu son appel au secours.« Lire
»L'ennemi des fourmis s'appelle Jonas. Il a 10 ans, un père « en voyage », une mère qui l'aime comme elle peut et de nombreux « oncles ». L'ennemi des fourmis s'en prend aussi au chat, ébouillante les escargots et crache au visage de sa grand-mère qui le traite de « sale petit bâtard ». En quelques pages sèches et brûlantes, Stephan Valentin, un jeune Allemand diplômé de psychologie, dit la détresse d'un petit garçon brutalement déplacé à la campagne : sa mère est enceinte et fuit un homme qui la brutalise. En quelques mots très simples, il restitue la montée de la violence chez cet enfant abandonné à son angoisse. Ecrit dans l'urgence, à hauteur de gamin, ce petit livre frappe en plein dans le mille, aussi fort que juste.« Télérama
Détester pour exister
»Il n’y a pas que les fourmis que Jonas déteste. Il y a aussi sa grand-m ère (qui le lui rend bien)), le chat, un vieux chien, Sarah parfois, une fillette délurée. Le monde entier est son ennemi, la chaleur maternelle seule le rassure. Il resterait bien lové contre sa mère, mais il lui faut se frotter aux autres. De plus, sa place est menacée par « le Nouveau » (la petite sœur qui s’annonce). Jonas n’est pas un enfant aimable, il peut être méchant. Tout le contraire de l’enfance innocente, il répercute avec une grande violence les violences qu’il subit. « Sale petit bâtard », lui crache sa grand-mère, lui qui préfère imaginer son père en avion en train de voyager « sans arrêt autour de la terre ». Dans un court récit qui se déroule sur trois jours, journées décisives dans la vie de Jonas, Stephan Valentin nous conduit, avec un sens avéré du suspens dans l’angoisse de l’enfance. La détresse de Jonas, son intense solitude, le drame qu’il porte, finissent par nous gagner.« Le Monde de l’éducation
Des fourmis et des hommes — L’ennemi des fourmis
»Un premier roman aux tonalités graves et touchantes pour raconter l’histoire d’un enfant comme tant d’autres, confronté à des problèmes qui le dépassent complètement.
Jonas habite en ville avec sa maman. Il mange des corn flakes au petit déjeuner et regarde l’inspecteur Gadget à la télévision en rentrant de l’école. Son père, dit-on, est pilote de ligne. Un jour, Jonas aussi sera pilote. Une vie normale, en somme. Mais voilà. Pour d’obscures raisons, il quitte l’école et s’exile à la campagne. Coincé entre sa mère enceinte et une grand-mère terrifiante, il s’occupe comme il peut. Il prend un malin plaisir à brûler les fourmis, à tirer avec sa carabine à plombs sur les oiseaux, à martyriser les poules et congeler les mouches. Un peu cruel, Jonas ; il a la violence enfantine à fleur de peau. Et puis, l’arrivée du petit l’angoisse un peu. Il sent qu’il va être obligé de partager sa maman, sa vie, son univers fantasmagorique. Jonas sait que son monde est sur le point de s’écrouler. Enfin, il rencontre Sarah, petite voisine de son âge qui habite dans une ferme un peu plus loin. Intrépide, elle entraîne le jeune citadin sur les terrains glissants de la vie. Ensemble, ils traversent ces jours qui font que plus rien ne sera jamais comme avant. Mais ça, on ne peut le savoir que longtemps après. Jonas ignore encore que dans trois jours, il aura vécu les moments les plus dramatiques de sa vie.
L’ennemi des fourmis, c’est donc cet enfant terrible qui n’aime pas les animaux et qui se méfie des grandes personnes. A part sa mère, bien sûr. Et son père, si un jour il se décide à rentrer à la maison, s’il arrête de sillonner le ciel dans son avion. Mais voilà, Jonas ignore encore que les adultes ne disent pas toujours la vérité. Et que son père ne reviendra sans doute jamais.
Stephan Valentin tire des méandres de l’esprit d’un enfant de six ans le récit de son premier roman. Il fait le portrait de l’enfance en nous plongeant dans trois jours de la vie de Jonas. Trois jours qui suffisent à comprendre comment un enfant un peu solitaire peut basculer vers une violence morbide. Trois jours qui marqueront une vie à jamais. L’auteur livre cette histoire comme un témoignage. Il laisse la parole au petit garçon. C’est lui qui raconte, lui qui nous fait vivre ces quelques jours, lui qui utilise ses mots. Des mots d’enfant avec ses questionnements, ses peurs, ses faiblesses et ses cruautés. Parfois, le regard de Jonas nous déroute. Sans en avoir l’air, il observe le monde, et livre ses réflexions avec une candeur touchante, avec, aussi, une cruauté désopilante. Puis plus le temps passe, plus on comprend que quelque chose de grave est en train de se jouer sous nos yeux. Et l’inévitable se passe. Jonas est encore un peu jeune pour en avoir conscience. Et pourtant...« www.avoir-alire.com
« Il est l’ennemi des fourmis, mais s’en prend aussi au chat, crache sur sa grand-mère, brûle des escargots vivants, distribue des coups...». Ce petit être attachant se nomme Jonas, un jeune citadin en vacances à la campagne, lieu qu’il abhorre. Logé chez sa détestable grand-mère, Jonas ne peut qu’être odieux lorsqu’il la croise dans le couloir. Mais le poids des années ne semble pas affecter la vieille qui lui glisse, à l’occasion, des petits mots sucrés tel que « sale petit bâtard ». Car c’en est un évidemment. Il n’a jamais connu papa. Normal, celui-ci « fait tellement de voyages», d’après sa mère. Quant à elle, elle attend un enfant d’un des nombreux « oncles » qu’elle a assigné à son fils depuis sa naissance.
Jonas est haineux, détestable, capricieux, mais avant tout très malheureux. Sa mère l’efface dès que de la testostérone rôde dans les environs et il n’aime pas les enfants de son âge. Il parle dans un langage cru, n’hésitant pas à traiter les gens de «couilles molles » et à parler de sa maîtresse d’école en ces termes : « Tu te retrouves couchée par terre. Dans ta merde, Monika. Quelque chose dégouline de ton ventre à travers ta couenne grasse. La flèche (qu’il lui envoie en rêve) y est fichée profond. Je ne la brise pas. Je l’arrache et du venin vert me jaillit au visage. Sang de sorcière. Une flaque sur le sol de la classe. Enfin elle ferme sa foutue gueule. » Mais Jonas n'en reste pas moins pragmatique. Lorsque sa mère lui montre un champ de pommes de terre lors d’une promenade, il pense « je crois qu’elle m’à raconté un bobard, parce que les pommes de terre ne peuvent pas à la fois fleurir et cuire dans la casserole ». De toutes manières, « c’est comme ça que commencent les mensonges des adultes. Ils racontent des salades qui les arrangent et ils s’imaginent que nous sommes assez bêtes pour avaler le morceau ». Un adulte au fond, c’est aussi con qu’une vache, « ça fait du lait et des hamburger ».
Si Maman si...
Œdipien splendide, Jonas aime sa mère plus que tout au monde. Il ne supporte pas que des hommes la regardent, lui parlent, ou pire, la touchent. Un homme lui sourit ? Jonas réplique « je te pisse à la raie ». Il aime les moments privilégiés qu’ils ont ensemble. Lorsqu’elle le lève du lit et lui fait des mamours. Lorsqu’elle joue avec lui dans le couloir pour l’attraper et qu’elle fait semblant de courir moins vite que lui. Lorsqu’elle lui fait ce qu’il aime à manger... Il adore lui faire plaisir. Lui faire des massages, ça le fait même « se dresser ». Mais chut ! Il ne dit rien car il aimerait passer tous les moments de sa vie avec elle. Cependant, elle oublie vite son petit dès qu’un homme s’approche. Elle n’hésite plus, alors, à l’envoyer donner à manger à la grand-mère hargneuse, à l’envoyer jouer seul dans la cour, ou encore, à le déposer au lac du coin pour qu’il s’y fasse des amis alors qu’il sait à peine nager !
Rousseau le pensait déjà. Les hommes ne sont pas mauvais par nature : ils le deviennent en subissant leur destin. C’est le cas de Jonas. Personne ne l’aime réellement. Sa jeunesse le sait, et ça le rend aigri. Il ne croit en rien, surtout pas en la religion, car pour lui, « se confesser c’est débile ». L’ennemi des fourmis, au fond, est un enfant avec une vision de la vie à la fois simple et raisonnée : il « emmerde tout le monde » parce que tout le monde l’emmerde.« www.zone-litteraire.com
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